BILAN ORL DANS LES INFECTIONS
RESPIRATOIRES RECIDIVANTES DE L'ENFANT
E. Serrano,
J. Percodani, J.J. Pessey. Service ORL. CHU de Rangueil. 31054 Toulouse.
Les voies respiratoires hautes et basses ont une continuité
anatomique, une complémentanté physiologique, une
structure mucociliaire et des mécanismes de
défense
immunitaires proches. Leur pathologie infectieuse est souvent
intnquée. En effet, si les voies respiratoires
sous-glottiques
sont réputées stériles, la muqueuse
des voies
aérodigestives supérieures est
bactérilogiquement
très peuplée ; plusieurs
phénomènes sont
impliqués dans la colonisation des voies
aériennes
sous-glottiques rendant compte des relations infectieuses entre voies
respiratolres hautes et basses. Ces relations s'expriment plus
fréquemment dans les infections récidivantes que
dans les
infections aiguës isolées.
La grande
fréquence des infections respiratoires de l'enfant
s'explique par deux faits
- les voies aériennes supérieures
représentent le
premier site d'interaction entre les antigènes de
I'environnement et les systèmes de défense de
I'organisme,
- I'immunité de I'enfant vis à vis de ces
antigènes se constitue progressivement à
l'occasion des
contacts successifs. L'enfant élabore donc sa
mémoire
immunitaire au cours de ces infections. Chez certains enfants ces
infections respiratoires représentent des
événements isolés, chez d'autres,
elles sont plus
bruyantes ou plus fréquentes : on parle alors d'infections
respiratoires récidivantes.
Le caractère récidivant des infections
respiratoires doit
faire rechercher certains facteurs favorisants. On admet que trois
bronchites par mauvaise saison [1] ou cinq rhinopharyngites par
trimestre [2] constituent le seuil à partir duquel un bilan
étiologique est indiqué.
Parmi les
facteurs favonsants les
infections respiratoires récidivantes, les causes ORL sont
au
premier rang expliquant la place importante du bilan ORL, mais il
existe d'autres facteurs étiologiques justifiant un bilan
complémentaire. Une cause unique est rarement
identifiée,
il s'agit le plus souvent de facteurs multiples et intriqués.
L'interrogatoire des parents, et I'examen clinique ORL et orienteront
les examens complémentaires.
A
I'interrogatoire il faut rechercher :
- le type d'infection respiratoire (rhinopharyngite, rhinosinusite,
angine, laryngite, trachéite, bronchite, pneumopathie),
- la date et le mode de début : un premier
épisode
d'infection respiratoire avant l'âge scolaire favoriserait
des
épisodes plus fréquents et plus longs
après
I'âge scolaire [3],
- la durée et la fréquence des
épisodes,
- les circonstances de survenue (période hivernale
à risque, contage, exposition allergénique...)
- les traitements préscrits.
Les facteurs de risque sont aussi recherchés :
- l'âge et le sexe de I'enfant : les infections respiratoires
hautes seraient plus fréquentes avant deux ans et chez le
garçon [4],
- le mode d'allaitement de l'enfant : pour certains I'absence
d'allaitement maternel serait un facteur favorisant les infections
respiratoires récidivantes [5] mais ceci n'est pas
retrouvé dans d'autres séries [6],
- le mode de garde de l'enfant : les enfants vivant en
collectivité (crêche, école maternelle)
sont plus
exposés au risque d'infection respiratoire [4],
- le tabagisme parental : son rôle dans la survenue des
épisodes infectieux respiratoires à
répetition
n'est plus à démontrer [6],
- les antécédents personnels d'allergie
(eczéma atopique du nourrisson, asthme...)
- les antécédents familiaux d'allergie : les
enfants de
parents allergiques ont un risque plus élevé
d'être
eux même allergiques : le risque, de 15 % en I'absence de
terrain
familial, atteint 70 % lorsque les deux parents souffrent de la
même manifestation allergique. L'allergie serait un facteur
de
risque primordial dans la survenue d'épisodes infectieux
respiratoires à répétition [4].
L'examen
clinique ORL doit également rechercher les facteurs de nsque
:
L'inspection recherche la présence d'un second pli
palpébral inféreur
considéré comme
pathognomonique de l'atopie. Il en est de même du pli sus
lobulaire caractéristique du salut allergique. Il faut aussi
regarder respirer l'enfant : une respiration buccale exclusive est le
témoin d'une obstruction haute le plus
fréquemment en
rapport avec I'hypertrophie des végétations
adénoïdes. Cette respiration buccale s'accompagne
souvent
d'une rhinolalie fermée avec voix nasonnée.
L'examen de la cavité buccale doit rechercher un mauvais
état bucco-dentaire qui peut constituer un foyer infectieux
de
voisinage. Parfois, I'hypertrophie des
végétations
adénoïdes est telle qu'elles sont visibles au
niveau de la
paroi pharyngée postérieure au simple examen
à
I'abaisse langue. Un signe indirect de I'adénoïdite
est le
jetage postérieur purulent bien visible sur la paroi
postérieure du pharynx.
La rhinoscopie au spéculum ou mieux au nasofibroscope souple
recherche une déviation septale, une hypertrophie turbinale
inférieure bilatérale, une polypose nasale, une
hypertrophie des végétations adenoïdes.
L'otoscopie doit rechercher des signes en faveur d'une otite
séromuqueuse.
L'appréciation de I'hypertrophie
adénoïdienne est
importante, en effet, elle peut lorsqu'elle est obstructive favoriser
la stase des sécrétions et les surinfections
hautes ou
basses [7]. La nasofibroscopie permet une visualisation directe du
tissu adénoïdien dont le volume est
apprécié
par la distance vomer/ tissu ad~noïdien [8]. Toutefois, elle
n'est
pas toujours facile à réaliser chez I'enfant. Le
volume
des végétations adénoïdes
n'est pas le seul
facteur à prendre en compte. En effet, de petites
végétations infectées peuvent
être tout
aussi pathologiques.
En ce qui
concerne les examens paracliniques
La radiographie du cavum doit être
réalisée selon
une technique rigoureuse pour être interprétable.
Le
cliché doit être pris de profil strict, au cours
d'une
inspiration calme, bouche fermée, pour que le voile du
palais
soit suffisamment relaché et qu'il y ait suffisamment d'air
dans
le rhinopharynx pour avoir une bonne visualisation des parties molles.
L'existence de nombreuses méthodes pour objectiver
l'éventuelle étroitesse de la filière
nasopharyngée est le témoin de I'absence de
fiabilité de chacune. Toutefois, c'est I'espace libre
résiduel qui doit être
apprécié et non le
volume des végétations
adénoïdes dont le
retentissement sur la ventilation dépend des dimensions du
cavum. On retiendra surtout la distance entre le pôle
anténeur de l'opacité
adénoïdienne et le bord
posténeur du sinus maxillaire qui indique la position des
choanes. Toutes les dimensions tenant compte de la structure du voile
sont plus délicates car le voile est une structure mobile.
La radionraphie des sinus : est insuffisante pour analyser les
lésions de sinusite chronique éventuelles
lorsqu'elles
sont peu importantes [9]. Les deux clichés
nécessaires
chez I'enfant sont les clichés en incidence nez-front-plaque
(face haute) qui dégage les cellules ethmoïdales et
nez-menton-plaque (Blondeau) qui permet de mieux voir les sinus
maxillaires.
Le scanner des sinus en coupes axiales et coronales ne doit pas
être systématique. II est plus sensible que les
radiographies simples mais ses indications sont limitées en
raison du risque d'irradiation et de la nécessité
d'une
sédation chez le petit enfant. Il n'y a pas d'indication
d'examen tomodensitométnque dans le bilan de
rhinopharyngites
récidivantes.
La rhinomanométrie antérieure active permet
d'objectiver
une obstruction nasale en rapport avec une déviation
septale,
une hypertrophie turbinale infériure ou un syndrome de la
valve
nasale Elle est utile pour évaluer la
responsabilité
relative de chacun des facteurs lorsqu'ils sont intriqués.
Elle
est cependant de réalisation difficile chez l'enfant.
La recherche de troubles de la déglutition peut
être
indiquée chez le petit enfant, surtout devant des infections
bronchopulmonaires à répétition.
A
côté de ce bilan ORL. un bilan
général est nécessaire
Il doit rechercher :
- une allergie,
- un reflux gastrooesophagien,
- un déficit immunitaire,
- une carence martiale,
- une hyper réactivité bronchique,
- des anomalies du transport mucociliaire,
- une mucoviscidose doit impérativement être
recherchée par la réalisation d'un test
à la sueur
devant I'association infections bronchiques à
répétition, sinusite chronique, à
fortiori s'il
existe une polypose nasale même s'il n'y a pas de
manifestations
digestives.
Références
bibliographiques
[1] DUTAU G.
L'asthme de l'enfant.
Sandoz Eds, Paris, 1992.
[2] GEHANNO P, LEOPHONTE P.
Infections des voies respiratoires hautes et basses.
Pil Eds, Paris, 1993.
[3] SODERSTROM M, HOVELIUS B, PRELLNER K.
Respiratory tract infections in children with recurrent episodes as
preschoolers.
Acta Paediatr 1991;80:688-695.
[4] BENEDIKTSDOTTIR B.
Upper airway infections in preschool children. Frequency and risk
factors.
Scand J Pnm Healt Care 1993;11:197-201.
[5] KLEIN JO.
Current issues in upper respiratory tract infections in infants and
children : rationale for antibactenal therapy.
Pediatr infect Dis J 1994;13 (suppl 1):5-9.
[6] HAKANSSON A, CARLSSON B.
Maternal cigarette smoking, breast-feeding, and respiratory tract
infections in infancy. A population-based cohort study.
Scand J Prim Health Care 1992;10:60-65.
[7] MANSBACH AL.
Control of recurrent ENT infections in children.
Rev Med Brux 1994;15:198-201.
[8] WANG D, CLEMENT P, KAUFMAN L, DERDE MP.
Fiberoptic examination of the nasal cavity and nasopharynx in children.
Int J Pediatr Otorhinolaryngol 1992;24:35-44.
[9] GARCIA DP, CORBETT ML, EBERLY SM, JOYCE MR, LE HT, KARIBO JM, PENCE
HL, NGUYEN KL.
Radiographic imaging studies in pediatric chronic sinusitis.
J Allergy Clin Immunol 1994;94:523-530.
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